La Porte d'Abaddon by Corey James S. A

Auteur:Corey James S. A.
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782330067502
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2016-02-02T05:00:00+00:00

26

BULL

Des voix. De la lumière. Un sentiment de mal profond dans des endroits qu’il ne pouvait identifier. Bull essaya de serrer les dents et se rendit compte que ses mâchoires étaient déjà crispées assez fort pour être douloureuses. Quelqu’un poussa un cri dont il ne put localiser la provenance.

La lumière retint son attention. De simples LED blanches avec une demi-coquille arrière poncée pour la diffuser. Une lumière de secours, de celles qui s’allumaient lors d’une panne de courant. La regarder faisait mal aux yeux, mais il s’y obligea afin de concentrer son regard. S’il parvenait à donner un sens à cela, tout le reste en aurait un. Une alarme ne cessait de se faire entendre, venue de l’extérieur. Bull tenta de focaliser son esprit de ce côté, de le projeter dans le couloir, dans cet immense chaos sans forme, et il le ramena sur la lumière. C’était comme s’efforcer de se réveiller, à cela près qu’il l’était déjà.

Peu à peu il se rendit compte que l’alarme était celle qu’il avait perçue dans l’infirmerie. C’était là qu’il se trouvait, sanglé sur un lit. La sensation de traction à son bras résultait d’une perfusion intraveineuse. Pendant un moment de vertige qui lui donna presque la nausée, sa perception du monde s’adapta : il n’était pas debout, mais étendu. Une distinction sans importance en l’absence de gravité, mais le cerveau humain semblait toujours chercher à imposer un sens à ce qui n’en avait pas. Il avait mal au cou. Mal à la tête. Quelque chose d’autre n’allait pas.

Il y avait d’autres personnes dans la pièce. Des hommes et des femmes sur tous les lits, la plupart avec les yeux clos. Une autre alarme se mit en branle quand la femme en face de lui vit chuter sa tension artérielle. Elle craquait. Elle agonisait. Il appela, et un homme en blouse d’infirmier passa en flottant à côté de lui, effectua un réglage sur le panneau de contrôle du lit de la blessée, puis s’éloigna d’une poussée. Bull voulut l’agripper au passage, sans succès.

Il s’était trouvé dans son bureau. Serge était déjà parti pour la nuit. Il avait à traiter quelques incidents mineurs survenus dans la journée, les frictions constantes d’un équipage pléthorique et peu discipliné. Comme tout le monde, il avait attendu pour voir si Holden et les Martiens ressortaient de la station. Ou si autre chose allait en surgir. La peur avait repoussé l’envie de dormir. Il s’était mis à visionner le petit exposé envoyé par le Rossinante, dans lequel Holden paraissait étonnamment jeune et charmant quand il expliquait ce qu’il appelait la zone lente. Il se souvenait d’avoir remarqué que tout le monde acceptait d’office cette formulation, et il s’était demandé si c’était parce que l’homme était arrivé là en premier ou si cela avait un rapport avec son charisme qui traversait le vide de l’espace.

Et puis il s’était retrouvé ici. Quelqu’un était passé à l’attaque, donc. Un missile avait franchi leurs défenses, ou bien il s’agissait d’un acte de sabotage. Peut-être que tout ce maudit bâtiment était en train de se disloquer.

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